Clinique psychiatrique

Des lieux improbables pour des expériences artistiques singulières.


Les Fourberies de Scapin

D’abord, il y a eu la résidence artistique d’un an à la clinique psychiatrique institutionnelle de La Chesnaie (Loir et Cher), en 1992-1993, en partenariat avec la DRAC Centre.

Le Plateau des Sources Rouges n’existait pas encore, mais Chantal Pétillot et Roxane Rizvi, ses artistes fondatrices, étaient bien là. Cette expérience a changé leurs vies. Leurs vies personnelles. Leurs vies de théâtre. Elles avaient quelques certitudes, souvent inaperçues. Elles ont volé en éclat.


Alors, c’est vous, les théâtoriales ?

une pensionnaire de La Chesnaie

Théâtoriale, c’est un mot dont nous aimons nous souvenir. Théâtre, territoire… mot énigmatique, aussi énigmatique que peut être un mot lorsqu’il est une expérience, et que dans l’expérience, on s’éloigne souvent des concepts, et l’on s’approche parfois de l’indicible.


L’expérience de théâtre, dès l’écriture jusqu’à la représentation publique, et tout au long de la mise en jeu, est une aventure curieuse : plus on s’exerce à exprimer le monde, plus il déborde au-delà de notre pouvoir d’expression et déploie des configurations mouvantes de situations et de personnages qui motivent sans cesse à nouveau notre désir d’expression. En cela, c’est un art de rencontre, avec l’autre et avec soi-même. La rencontre y est toujours remise en question et à l’œuvre.

L’œuvre apparaît comme cette surface qui rassemble et élargit les territoires de l’intime et de l’étranger, et ainsi singulière chaque fois, elle demande chaque fois une rencontre singulière. On ne revisite pas une œuvre, on y séjourne selon ce qui, en elle, crée une possibilité d’expression pour nous, et selon ce qui, en nous, crée une nouvelle possibilité d’écoute du monde.

Peau, art de la limite, l’art dramatique est œuvre de chair, hors de quoi le verbe serait lettre morte. Ainsi exerce-t-il notre intelligence là où l’on pressent que l’apparence n’est pas le contraire péjoratif d’une « profondeur », ni la forme du fond : dans l’apparition du personnage – cette entité faite de coïncidences, d’échos et de réseaux entre « extérieur » et « intérieur ». C’est à partir de cette fiction dynamique que nous travaillons, ici comme ailleurs.

A la Chesnaie, à partir de l’œuvre de Molière Les Fourberies de Scapin, l’aventure des rencontres nous a conduit à nous interroger à nouveau sur les rapports de l’imaginaire à la représentation.


Notre objectif de départ n’est pas, et ne peut pas être thérapeutique, ni d’animation socio-culturelle. Nous n’en avons pas les capacités. Ce ne peut être qu’un objectif de création.

Roxane Rizvi

Apparition, disparition

Une résidence d’une semaine est organisée au centre hospitalier François Tosquelles de Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère, du 28 juin au 3 juillet 2021. Roxane Rizvi et Chantal Pétillot encadrent ce travail de création et sont accompagnées du photographe Serge Niémetz. La résidence se clôture par la représentation de la pièce Nous Autres.

Qu’est-ce qui apparaît, qu’est-ce qui disparaît dans mon tiroir (réel ou imaginaire) ?

Cette résidence est un parcours libre dans la mémoire précise, ou incertaine, réelle ou imaginaire, des patients et des soignants de Saint-Alban, à partir de ce qu’on peut choisir de mettre dans un tiroir personnel, ou qu’on y a oublié et qu’on y retrouve. Les ateliers quotidiens consistent à créer des histoires ensemble à partir de leurs choix. Ce sont ces histoires qui sont vues et entendues dans les tiroirs présentés au public, sous forme d’une installation-exposition. Dans ce parcours, les « comédiens » ont disparu, ne restent que des voix (bandes sonores), des fragments d’images (photographies) et des objets « qui ont une âme ».



Descriptif de la résidence

par Serge Niémetz

Pour la première rencontre avec les résidents, Chantal et Roxane se présentent à travers le contenu d’un tiroir personnel qu’elles ont, chacune, préparé pour cette rencontre. Serge prend des photos, qui feront partie de l’installation finale. Nous ne sommes pas autorisés à divulguer des photos reconnaissables (i.e. des visages) des patients.

Jours 1-2 : Chantal et Roxane échangent avec les patients sur ce qu’ils mettraient, eux, dans un tiroir personnel.

Jours 3-4 : Temps de travail à partir des paroles échangées avec les patients. Recueil de paroles, d’histoires, à partir de leurs tiroirs. Ecriture de textes, enregistrés ensuite par Chantal. Enregistrements de voix de résidents. Montage de photos.

Jours 5 et 6 : Finalisation des enregistrements et montages des textes, sons et photos. Installation des tiroirs (même si certains sont vides, ou certains trop pleins !) de sorte qu’à partir du samedi après-midi, résidents, soignants et familles soient conviés à la découverte de cette rencontre entre mémoire et imaginaire.

Je crois que ce que nous appelons « notre vie » se tient souvent entre mémoire, désir de se souvenir, et de garder un souvenir, et imaginaire, oubli et reconstruction de la mémoire, entre secret, peur et pudeur.

Il y a, dans ce que nous appelons « notre vie » tous ces « trois fois rien » de nos tiroirs intimes. C’est cela que j’ai envie de mettre en scène ici, à Saint-Alban, tout d’abord avec les résidents en gérontopsychiatrie et pour eux, puis, peut-être, en élargissant cette aventure créative à tous les résidents de Saint-Alban, et – pourquoi pas ? – aux soignants eux-mêmes…

Le mettre en scène avec une comédienne qui a déjà mené une résidence d’artiste en psychiatrie institutionnelle, et pour laquelle l’écoute de l’autre fait partie de l’art. Le mettre en scène avec un « témoin » photographe, dont la pertinence du regard me rappelle si souvent que j’aurais pu passer à côté de quelque chose sans le voir, et que ç’aurait été dommage…

À travers ces bribes de mémoire et avec ces petites choses qui ont pourtant de l’importance pour quelqu’un, là, dans un tiroir, ou qui parfois avaient été oubliées, mais conservées pourtant, il est question de se raconter, bien sûr, mais aussi de se rencontrer autrement, de rencontrer l’autre qu’on croyait connaître, et l’autre en nous aussi. Le tiroir est donc « le fil rouge » de cette aventure.

Dans la première installation que nous ferons à l’issue de la semaine de création passée sur les lieux avec les résidents, il devrait y avoir aussi beaucoup d’autres tiroirs, fermés, peut-être certains avec des noms, d’autres anonymes. Le spectateur visiteur se racontera les histoires qu’il veut, touché par certaines histoires, indifférent à d’autres, libre.

En cette période si particulière de « distanciation sociale » obligée, où même le port du masque renforce l’anonymat et diminue la relation, nous avons envie de créer un univers sensoriel (son, images, toucher, odeur), un univers sensible et vivant. La création finale est « une installation de la mémoire », la nôtre, et la leur. Mémoires personnelles, mais aussi mémoire de ce que nous vivons ensemble dans ce travail de recherche et de création.

Cette « installation de la mémoire » se présente plus comme les coulisses du théâtre, là où il n’y a pas d’acteur actif… là où pourtant tout se prépare ! Il n’y aura donc pas à proprement parler de « représentation théâtrale », mais plutôt une installation conçue de telle sorte que, finalement, le spectacle vivant, plus que jamais, ait lieu par le regard des spectateurs eux-mêmes.

Note d’intention de Roxane Rizvi

« APPARITION / DISPARITION »

SPECTACLE IMMERSIF

Office du Tourisme Margeride en Gévaudan
Château de Saint-Alban sur Limagnole
Du 01 juillet au 3 septembre 2022

Du lundi au samedi de 09:00 à 12:00 et de 13:00 à 18:00
Dimanche de 09:00 à 12:00

La grande salle du château de Saint-Alban-sur-Limagnole accueille cet été le spectacle
immersif « Apparition / Disparition », fruit de la résidence artistique de Roxane Rizvi et
Chantal Pétillot qui a eu lieu du 28 juin au 3 juillet 2021, puis du 14 au 26 février et du 13 au 18 juin 2022, au sein du centre hospitalier François Tosquelles, avec le soutien de la DRAC Occitanie, de l’ARS, de La Mécano, et de l’Office du Tourisme Margeride en Gévaudan.

Cette résidence a laissé la place à un parcours initiatique de 31 minutes « Apparition /
Disparition », avec bandes sonores, textes, photographies, et objets issus des ateliers avec les résidents.

Les personnages qu’ils ont créés font entendre leurs voix en s’adressant à un passeur en route pour Xian, peintre d’Extrême-Orient et Théodore, musicien du grand Nord. Qu’ont-ils à nous transmettre à nous, passeurs ?
Qu’est-ce qui apparaît, qu’est-ce qui disparaît dans mon tiroir (réel ou imaginaire) ?

Mais chut… c’est à vous maintenant ! Avancez-vous et laissez-vous guider par les sons et les lumières…

Spectacle immersif d’une durée de 31 minutes réalisé par Le Plateau des Sources Rouges et les résidents du centre hospitalier François Tosquelles. Séance toutes les 40 min de 9h à 11h15 et de 13h30 à 17h15.